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OGM L'Afrique, quasiment vierge, sous forte pression américaine

PARIS, 20 juin 2004 (AFP) - L'Afrique, dernier territoire quasiment vierge d'OGM avec l'Europe, subit de fortes pressions américaines pour adopter des variétés transgéniques, sans qu'elles soient vraiment adaptées à ses besoins, selon des experts interrogés par l'AFP.

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Une conférence doit réunir 15 pays d'Afrique de l'Ouest à Ouagadougou du 21 au 23 juin, à l'invitation du gouvernement américain.

A ce jour, seule l'Afrique du Sud compte des surfaces significatives en OGM sur le continent. Selon l'ISAAA, qui regroupe les firmes de biotechnologies, 400.000 hectares en coton et maïs OGM y ont été plantés en 2003 (moins de 1% des OGM dans le monde).

"Il y a des pressions très importantes pour conduire des essais sur le coton en Afrique de l'Ouest, qui est une zone jusqu'à présent indemne d'OGM", a indiqué à l'AFP Alain Weil, du comité scientifique du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

"L'Afrique est un enjeu commercial important pour les firmes américaines, qui se sont cassées le nez sur le marché européen", explique Eric Gall de Greenpeace.

"Le réveil pour les Américains a été l'affaire du refus par la Zambie de leur aide alimentaire sous forme de maïs OGM en 2002", ajoute-t-il. "Ils ont pris conscience que d'autres pays risquaient d'adopter, comme les Européens, des législations strictes sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM".

"Ils ont alors développé un discours sur les OGM pour résoudre la faim dans le monde, ce qui est pure propagande", dénonce-t-il. "La première cause de malnutrition, ce sont les conflits armés", rappelle M. Gall. "Les OGM ne peuvent que renforcer la dépendance des paysans vis-à-vis des grandes firmes de biotechnologies," ajoute-t-il.

Pour Alain Weil, les OGM peuvent "apporter beaucoup", mais à des conditions précises. "Un des principaux risques, c'est qu'on force l'Afrique à accepter des produits qui n'ont pas été développés pour elle, et qui peuvent présenter des risques pour son écologie fragile, alors que ces pays sont mal armés pour les maîtriser", observe-t-il.

Aujourd'hui, la quasi-totalité des OGM (maïs, soja, coton) ont été fabriqués pour les pays industrialisés. 73% sont conçus par les sociétés de biotechnologie pour résister à leur propre herbicide, 8% intègrent à la fois la résistance à un herbicide et un insecticide.

"La recherche intéressant l'Afrique est tout à fait marginale", estime M. Weil: "plus d'efforts sont faits pour améliorer le maïs que le mil, c'est une évidence".

Le maïs, justement, fait depuis peu une percée en Afrique, notamment à travers l'aide alimentaire américaine. "Un certain nombre de gens s'inquiètent du fait qu'on améliore un peu trop exclusivement le maïs au détriment de cultures locales mieux maîtrisées, avec plus de variétés, et correspondant mieux aux habitudes de consommation", constate le chercheur.

Si le maïs vorace en eau est mal adapté à l'Afrique, la génétique pourrait utilement accroître la résistance des cultures locales à la sécheresse, selon Alain Weil.

"C'est incontestablement une piste intéressante, pour limiter les risques en cas d'aléas climatique fort et de retard de la saison des pluies par exemple", explique-t-il. Mais rien n'est encore prêt à être diffusé.

Parmi les autres pistes, figurent la résistance aux virus ou la protection des stocks. "25 à 50% des récoltes sont perdues au moment du stockage", observe M. Weil.

Les Américains ont fourni un exemple de résistance aux virus en terrain tropical à Hawaï. "Tout le verger de papaye était en passe d'être détruit par un virus, et la seule voie trouvée a été de transformer la plante avec une résistance au virus: c'est un exemple de succès de la technologie quand il n'y avait pas d'alternatives techniques", souligne M. Weil.


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